La CREI est pour l’ancienne équipe mais l’OFNAC est pour nous», avait lancé Macky Sall en portant sur les fonts baptismaux cette structure. En vérité, avant de quitter le pouvoir, le président Macky Sall a laissé un cadeau empoisonné à ses partisans impliqués dans des malversations. Depuis le 2 août 2023, la loi n° 81-54 du 10 juillet 1981 portant création de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) a été abrogée. A la place, trône depuis le 2 août 2023 le Pool judiciaire financier (PJF). Cette juridiction a été votée par l’Assemblée nationale en séance du jeudi 20 juillet 2023. Et c’est la loi n° 2023-14 du 2 juillet 2023 modifiant la loi n° 65-61 du 21 juillet 1965 portant code de procédure pénale qui marque son entrée dans notre arsenal judiciaire.
Ce 12 janvier 2025, cette nouvelle juridiction est entrée en action. C’est par un communiqué daté, justement, d’aujourd’hui que le parquet financier a commencé la traque des “faussaires”. Dans le-dit communiqué parvenu à notre rédaction le procureur de la République financier, El Alioune Abdoulaye Diagne écrit : “Le parquet du Pool judiciaire financier a été saisi récemment de plusieurs rapports de la Cellule des traitements des informations financières (CENTIF) qui sont en cours de traitement”. Il ajoute que “l’analyse des rapports fait ressortir des faits impliquant plusieurs personnes”. Le procureur poursuit en signalant que “les investigations menées révèlent des mécanismes sophistiqués de blanchiment de capitaux, par le truchement de sociétés écrans qui auraient été utilisées pour des transactions suspectes d’une valeur estimée provisoirement à plus de 125 milliards FCFA”. Le procureur de la République financier prend les devants en annonçant dans le même communiqué avoir envisagé “l’ouverture d’une information judiciaire sous les chefs d’inculpations d’associations de malfaiteurs, blanchiment de capitaux, escroquerie portant sur les deniers publics, corruption, trafic d’influence, abus de biens sociaux”.
Au regard des montants en jeu, le patron du parquet financier vise un vaste réseau aux implications connexes nichées à des stations haut placées. A l’évidence, des pontes du régime du président Macky Sall sont dans le viseur des enquêteurs.
Pour l’heure, aucun nom n’est avancé. De plus, comme l’indique le communiqué, les investigations “sont en cours de traitement”. A-t-on déjà procédé à des interrogatoires ? Sans doute, non, mais on peut se risquer à avancer que les enquêteurs tiennent en main les suspects.
En tout cas, “Il est institué au Tribunal de Grande Instance hors Classe et à la Cour de Dakar, un Pool judiciaire spécialisé dans la répression des crimes et délits économiques ou financiers, dénommé Pool judiciaire financier”, lit-on dans le Journal officiel. Le PJF est composé d’un d’un Parquet financier, d’un collège des juges d’instruction financiers, d’une Chambre de jugement financière, d’une Chambre d’Accusation financière, entre autres. Cette institution judiciaire créée par Macky Sall avant son départ a été mise en route par le président Bassirou Diomaye Faye. Une sorte de répétition de l’histoire, car la CREI, mise en place par le président Abdou Diouf a été ressuscitée par Macky Sall.
A la différence de la CREI, le PJF dispose d’une Chambre des Appels financière et d’assistants de justice spécialisés. Ces derniers sont recrutés parmi les fonctionnaires de la hiérarchie A ou B ou des personnes titulaires définies par décret, d’un diplôme national sanctionnant une formation d’une durée égale au moins à quatre années d’études supérieures après le baccalauréat qui remplissent les conditions d’accès à la fonction publique et justifient d’une expérience professionnelle minimale de quatre ans.
Le PJF à l’image des juridictions de droit commun pour la poursuite, l’instruction et le jugement des infractions à caractère économique ou financier que sont la corruption et les pratiques assimilées, le blanchiment de capitaux, les infractions fiscales, les infractions douanières, les détournements et escroquerie et soustractions liées aux deniers publics.
Le Pool judiciaire financier exerce une compétence exclusive pour la poursuite, l’instruction, l’instruction et le jugement des infractions à caractère économique résultant des enquêtes diligentées par les autorités administratives comme la Cour des Comptes, la CENTIF ou l’OFNAC. Les infractions liées à la réglementation des marchés publics et à l’enrichissement illicite sont également de la compétence du PJF.
Le PJF a compétence sur toute l’étendue du territoire national. Son Parquet financier est dirigé par le Procureur de la République financier. Ce dernier a les mêmes compétences que le Procureur de la République et il est placé sous l’autorité du Procureur général près la Cour d’Appel de Dakar. Il est assisté d’un Procureur général adjoint et au moins de trois substituts financiers.
Le Procureur de la République financier peut être saisi par dénonciation, une plainte ou tout autre voie légale. Si la personne visée est protégée par une immunité ou un privilège de juridiction, le Procureur de la République financier saisit l’autorité compétente pour l’exercice des poursuites par les voies de droit.
“Au jour fixé, le Procureur de la République financier entend la personne concernée, assistée le cas échéant de son conseil”, peut-on lire dans la loi. Le procureur “lui fait ensuite connaître les résultats de l’enquête en ce qui concerne le montant de ses ressources connues, comparées au détail des éléments de son patrimoine ou de son train de vie”. Faute de pièces justificatives dans un délai de 48 heures, l’instruction est ouverte et soumise au Collège des juges d’instructions, présidé par le magistrat le plus ancien, composé de 5 magistrats, nommés par décret, après avis du Conseil supérieur de la magistrature.
La Chambre du jugement financière, présidée par le juge le plus ancien est, quant à elle, présidée par 7 magistrats au moins. L’appel contre les jugements rendus par la Chambre du jugement financier est porté devant la Chambre de jugement de la Cour d’Appel de Dakar spécialisée, dénommée Chambre des appels financière. La Chambre des appels financière est composée de 5 magistrats au moins désignés par ordonnance du Premier président de la Cour d’Appel de Dakar, sur proposition de l’assemblée générale de ladite juridiction.
C’est El Hadji Alioune Abdoulaye SYLLA, précédemment Avocat général près la Cour suprême, qui est nommé Procureur de la République financier. Ablaye DIOUF, précédemment Délégué du Procureur de la République près le Tribunal d’instance de Rufisque, est nommé Procureur de la République financier adjoint, alors que Ibrahima FAYE, précédemment affecté à l’Administration centrale du Ministère de la Justice, est nommé Substitut du Procureur de la République financier.
Au Collège des juges d’instruction au Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Dakar, Idrissa Diarra, précédemment Président de Chambre à la Cour d’Appel de Thiès, est nommé Président du Collège des Juges d’Instruction financier. A la Chambre de jugement financière au Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Dakar, Papa Mohamed Diop, précédemment Président de Chambre à la Cour d’Appel de Saint-Louis, est nommé Président de la Chambre de jugement financière. La Chambre d’accusation financière de la Cour d’Appel de Dakar a pour président Mamady Diané est nommé Président de la Chambre d’Accusation financière. C’est madame Anta Ndiaye Diop qui est nommée Président à la Chambre des appels financiers.
Cette machine laissée par Macky Sall avant de quitter le pouvoir va bientôt faire des défilés des pontes de son régime.