Plus de 13 milliards FCFA sont en jeu dans le mandat de dépôt de Mahmadane Sarr, propriétaire de la société Lansar Auto. Mais tous les regards sont tournés, à tort ou à raison, vers Amadou Sall, fils de l’ancien président Macky Sall, dangereusement dans le collimateur du Pool judiciaire financier (PJF). Amadou Sall avait été Laccusé en 2018 de vendre des V8 non dédouanés.
Le Pool judiciaire financier vient de poser un nouvel acte fort. Dans un communiqué signé du procureur de la République financier, El Abdoulaye Alioune Sylla, on peut lire : “le parquet du Pool judiciaire financier a saisi d’un rapport de la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF) mettant en cause le gérant d’une Suarl pour un montant de 13 610 088 725 FCFA”. Le procureur précise qu’”en application de l’article 66 de la loi sur le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et de la prolifération des armes de destruction massive, le parquet financier a requis l’ouverture d’une information judiciaire sous les chefs d’inculpations d’association de malfaiteurs, de faux et usage de faux en écritures publiques, de faux et usage de faux en écritures de commerce ou de banque, d’escroquerie et de détournement portant sur des deniers publics, de blanchiment de capitaux”. Le communiqué ajoute que “le mandat de dépôt a également été requis” et que “le juge d’instruction financier a, ce jour, inculpé le mis en cause des chefs d’infractions susvisés et l’a mis placé sous mandat de dépôt”.
Le “mis en cause” n’est personne d’autre que Monsieur Mahmadane Sarr. Il est le fils de Mbaye Sarr, PDG de Senecartours, homme d’affaires ayant pignon sur rue dans le monde de la location de véhicules de luxe. La société de Mahmadane, Lansar Auto, s’est illustrée ces derniers temps dans la location de véhicules haut de gamme à des personnalités, des ministères et des institutions publiques. “En 2020, il décroche même un marché lucratif de location de véhicules pour la Présidence de la République”, révèle la presse. Mahmadane Sarr est placé sous mandat de dépôt pour être présumé impliqué dans des activités de blanchiment d’argent. Son tort supposé est d’avoir facturé l’État sénégalais à hauteur de 2 milliards de FCFA par an pour la location de véhicules de luxe. Parmi ces véhicules figuraient des modèles tels que des Toyota, Mercedes, BMW et Nissan Patrol, utilisés pour des déplacements officiels et des campagnes électorales sous le régime de Macky Sall. Sarr a fourni des justificatifs, sans doute, peu convaincants pour les enquêteurs. Le parquet du PJF a, ainsi, ouvert une enquête. Et Mahmadane Sarr a été entendu à la Division des Investigations Criminelles (DIC), avant d’être placé sous mandat de dépôt.
Des sources concordantes révèlent que cette affaire a ses tentacules à des niveaux jusque-là insoupçonnés. Proche d’Amadou Sall, fils de l’ancien Président Macky Sall, Mahmadane Sarr passe, pour certains, comme l’arbre qui cache la forêt. En termes clairs, Amadou Sall, lui aussi connu dans le monde des voitures, serait dans le collimateur de la justice. Considéré comme proche de Mahmadane Sarr, Amadou Sall avait été cité, en juillet 2018, dans une affaire de commerce de véhicules de luxe. En marge d’une marche de l’opposition, Serigne Assane Mbacké avait lâché dans le fracas que “Le fils du président de la république Amadou Sall vend des véhicules V8 non dédouanés à des ministères à coups de centaines de millions”. En tout cas, le 12 janvier dernier, le PJF est entré en action. Dans un communiqué parvenu à notre rédaction le procureur de la République financier, El Alioune Abdoulaye Diagne écrit : “Le parquet du Pool judiciaire financier a été saisi récemment de plusieurs rapports de la Cellule des traitements des informations financières (CENTIF) qui sont en cours de traitement”. Il ajoute que “l’analyse des rapports fait ressortir des faits impliquant plusieurs personnes”. Le procureur poursuit en signalant que “les investigations menées révèlent des mécanismes sophistiqués de blanchiment de capitaux, par le truchement de sociétés écrans qui auraient été utilisées pour des transactions suspectes d’une valeur estimée provisoirement à plus de 125 milliards FCFA”. Le procureur de la République financier prend les devants en annonçant dans le même communiqué avoir envisagé “l’ouverture d’une information judiciaire sous les chefs d’inculpations d’associations de malfaiteurs, blanchiment de capitaux, escroquerie portant sur les deniers publics, corruption, trafic d’influence, abus de biens sociaux”. Au regard des montants en jeu, le patron du parquet financier vise un vaste réseau aux implications connexes nichées à des stations haut placées. A l’évidence, des pontes du régime du président Macky Sall sont dans le viseur des enquêteurs. L’Assemblée nationale, saisie par le ministre de la Justice, a enclenché le processus de la levée de l’immunité parlementaire du député Mouhamadou Ngom dit Farba. Mardi dernier, il s’est tenu la réunion de la Conférence des présidents. Il s’ensuivra la mise en place de la commission ad hoc, prévue demain jeudi, 16 janvier, avant la plénière convoquée le lendemain vendredi, «sur la ratification de la commission ad hoc». Le chargé de l’organisation et de la mobilisation de l’Apr, élu sur la liste départementale de la coalition Takku Wallu Sénégal à Matam, au sein de la XVe législature, serait impliqué dans une affaire de transactions suspectes estimées provisoirement à plus de 125 milliards de francs Cfa. Le secrétariat exécutif de l’Alliance pour la République a réagi dans un communiqué à la volonté de lever l’immunité parlementaire de Farba Ngom. “En s’attaquant aussi brutalement au Député de la Coalition Takku Wallu Sénégal et membre éminent de l’Alliance Pour la République, le pouvoir confirme sa nature dictatoriale et témoigne de la totale mainmise du Premier Ministre sur toutes les Institutions de la République”. Le communiqué poursuit en ciblant Ousmane Sonko : “Tous nos compatriotes se souviennent des violents propos débités par Ousmane Sonko lors de la campagne pour les Législatives anticipées, à Agnam. Après avoir offensé notre camarade Farba Ngom, Ousmane Sonko avait solennellement déclaré que ‘jamais plus’ ce dernier ‘ne participera à une élection au Sénégal’’.