Le chef de l’État, Bassirou Diomaye Faye, a sacrifié, hier, à une vieille tradition républicaine. En compagnie de son Premier ministre Ousmane Sonko et du président de l’Assemblée nationale, Malick Ndiaye, le président Faye a présidé la cérémonie de rentrée des cours et tribunaux. Dans son allocution, le chef de l’Etat qui s’exprimait sur le thème “Droit de grève et préservation de l’ordre public” a invité les acteurs judiciaires à travailler à un équilibre entre l’exercice du droit de grève et la préservation de l’ordre public, afin de concilier libertés individuelles et intérêt général.
“Il constitue une invite aux acteurs judiciaires à réfléchir sur l’équilibre délicat, mais essentiel, entre le respect des droits et le bon ordre communautaire”, a-t-il concédé. Face aux présidents des institutions nationales, le corps diplomatique accrédité à Dakar, le premier président de la Cour suprême du Bénin et le procureur général de ladite cour, le président de la République a rappelé que le droit de grève, inscrit dans la Constitution sénégalaise et reconnu par des conventions internationales telles que celles de l’Organisation internationale du travail (OIT), représente une composante essentielle de la démocratie et de la liberté syndicale. Un tel statut du droit de grève ne l’affranchit, cependant pas, d’être encadré pour garantir la continuité des services publics essentiels, notamment dans les secteurs de la santé, de l’éducation et de la sécurité publique. “Le droit de grève ne doit jamais porter atteinte à la liberté de travail ni mettre en péril l’entreprise ou les services publics essentiels”, a-t-il affirmé rappelant que des mécanismes comme le préavis et les services minimums, prévus par le Code du travail et le statut général de la fonction publique, sont indispensables à son exercice licite. Dans la foulée, Bassirou Diomaye Faye a réaffirmé son engagement à réformer et moderniser le système judiciaire, tout en saluant les efforts des acteurs judiciaires pour renforcer l’État de droit et la cohésion nationale. Le chef de l’Etat Bassirou Diomaye Faye a tenu à rappeler que, dans l’esprit de la loi, “le préavis a pour objectif noble d’asseoir un cadre de concertation dans le but ultime d’éviter l’arrêt brutal et concerté du travail”. Insistant sur l’équilibre à maintenir entre la défense des intérêts professionnels et la préservation de la paix sociale, Bassirou Diomaye Diakhar Faye a exhorté tous les acteurs à la responsabilité. “La défense des intérêts professionnels ne doit jamais se faire au détriment de la stabilité de notre nation”, a-t-il martelé, tout en appelant la justice à jouer un rôle central dans cette démarche avec impartialité et rigueur. Le chef de l’Etat a également rappelé aux employeurs et à l’État leur devoir d’accorder une attention bienveillante aux revendications légitimes des travailleurs, soulignant que le respect mutuel et le dialogue sont essentiels pour construire un Sénégal équilibré. “J’encourage en conséquence les inspecteurs du travail et de la sécurité sociale et les magistrats compétents à promouvoir la conciliation qui est un levier important du dialogue social car l’ordre public dépasse les seules prérogatives de l’État”, a dit le président de la République. D’ailleurs, le premier président de la cour suprême Mahamadou Mansour Mbaye a toutefois précisé que pour éviter que l’administration abuse de cette mesure au point de remettre en cause le droit constitutionnel de grève, “le juge doit veiller à ce que la réquisition ne soit pas excessive”. Il a ainsi rappelé que cette haute juridiction qu’il dirige depuis août dernier, a été amené à annuler en mai 2023, les arrêtés des gouverneurs des régions de Louga, Thiès, Kaolack, Ziguinchor et des préfets des départements de Dakar, Saint-Louis et Guédiawaye portant notamment sur la réquisition des agents qui n’occupent pas des postes, emplois ou fonctions visés par les textes sur les réquisitions. “Ne cherchons pas à vaincre sans avoir raison”, a pour sa part insisté le procureur général près la Cour suprême, Jean-Louis Paul Toupane, selon qui « la grève constitue l’ultime phase dans la recherche de solutions à des relations sociales conflictuelles”. Le président de la République, a mis le doigt sur le rôle central de la justice dans la préservation des principes fondamentaux de la République, réaffirmant son engagement à moderniser et humaniser le système judiciaire sénégalais. “La justice est le régulateur des relations entre les pouvoirs et les institutions, le gardien des libertés individuelles et collectives, et le bouclier contre l’arbitraire”, a-t-il déclaré. Il a également appelé à une justice qui inspire confiance aux citoyens, présidait la rentrée des cours et tribunaux. Il fait savoir, par ailleurs, que des réformes juridiques sont en cours pour clarifier davantage les conditions d’exercice du droit de grève et renforcer les mécanismes de médiation et de conciliation. Bassirou Diomaye Faye a également salué le rôle du Haut Conseil du dialogue social et des inspecteurs du travail dans la promotion d’un dialogue constructif entre les parties prenantes. “Le respect de l’ordre public, qui repose sur la sécurité, la tranquillité et les libertés, est un bien commun qui dépasse les seules prérogatives de l’État. Il exige l’engagement de tous les acteurs sociaux”, a déclaré Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Le président de la République a enfin invité les magistrats à exercer leur rôle avec impartialité et rigueur, en veillant à renforcer la cohésion nationale et à tirer les leçons des tensions sociales qui ont marqué la période récente. “La justice, dernier rempart de la stabilité sociale, doit fortifier notre cohésion nationale pour que les crises de 2021 à 2024 ne se reproduisent plus”, a conclu le chef de l’État. Comme pour faire écho à la volonté du chef de l’Etat, le premier président de la Cour suprême, Mahamadou Mansour Mbaye a appelé à la limitation du droit de grève pour certaines catégories de fonctionnaires au Sénégal se justifiant par l’impératif de maintenir un ordre public économique. “Le droit de grève est strictement interdit à certaines professions. Il s’agit essentiellement des services d’hygiène, des forces armées, de la police, des douanes, de la magistrature, des eaux et forêts, entre autres”, a notamment énuméré le magistrat. Prenant la parole, le bâtonnier de l’Ordre des avocats, Mamadou Seck, a fait savoir que le barreau du Sénégal “n’est pas toujours mis dans les conditions nécessaires pour exercer pleinement sa mission et garantir une justice de qualité”. Le barreau du Sénégal, en dépit de son “rôle central dans le service public de la justice”, fait face à des difficultés financières, a-t-il expliqué. Énumérant ces difficultés de sa structure, Me Seck évoque “le non-paiement de la dotation annuelle de 800 millions de francs CFA depuis plusieurs années, ce qui a entraîné un encours de plus de trois milliards”. Il a, toutefois, salué les efforts de l’État pour soutenir la construction d’une école d’avocats, non sans souligner les défis liés au financement de ce projet qu’il juge ambitieux, lequel prévoit la formation de 100 jeunes pour la préparation à l’examen du Certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA). En réponse, le chef de l’État a rappelé que l’assistance judiciaire fonctionnait sur la base d’un protocole provisoire signé en 2005. Bassirou Diomaye Faye a annoncé la préparation d’un projet de loi et d’un décret pour formaliser et élargir son application. Il a insisté sur la nécessité d’étendre l’accès à l’aide juridictionnelle aux victimes, notamment en matière civile, domaine dans lequel les procédures sont plus coûteuses que dans le domaine pénal, a relevé le président de la République. Il est revenu sur la question de la formation des avocats, rappelant les exigences communautaires de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) et invitant le bâtonnier à collaborer avec le ministre de la Justice pour organiser des cours préparatoires au CAPA. A souligner que le premier président de la juridiction Mahamadou Mansour Mbaye a placé des mots à l’endroit des autorités étatiques à savoir le président de l’Assemblée nationale Malick Ndiaye, le Premier ministre Ousmane Sonko et le ministre de la Justice, Garde des sceaux, vice-Président du Conseil supérieur de la magistrature, Ousmane Diagne. Concernant le chef du gouvernement, le premier président de la Cour suprême a déclaré face à lui : “C’est avec une grande considération que je tiens à vous adresser, au nom de toute la compagnie judiciaire, mes chaleureuses félicitations pour votre nomination à la tête du Gouvernement. Votre accession à cette haute fonction témoigne de la confiance de Monsieur le Président de la République à votre endroit et de l’espoir que la nation toute entière place en vos compétences, votre expérience et votre engagement au service de la République”. Il dira en conclusion être “convaincu” des “qualités de leader”, de la “vision” et du “dévouement” de Sonko pour contribuer “à relever les défis de notre époque et à promouvoir, le développement, la justice, le progrès social et l’équité pour le bien-être de tous nos concitoyens”