Dans le tumulte et le fracas des déclarations nés de l’imminente levée de l’immunité parlementaire de Farba Ngom, nombre de cadres et de structures de l’APR gardent le silence. Le siège de l’Alliance pour la République (APR) ressemblait jeudi dernier à une chaudière. Dans cette antre du parti déchu, le fracas des voix a ramené le souvenir des campagnes électorales. Les apéristes entendaient répondre, à moins de 24 heures, à la mise en place de la commission ad hoc devant statuer sur la levée de l’immunité parlementaire du député Farba Ngom. Le siège sis à Ouakam a fait le plein et le maire de Agnam a eu droit à un tonnerre d’applaudissements et d’un élan d’enthousiasme. Dans cette foule bigarrée on comptait des responsables politiques, des alliés, des militants, des amis et des sympathisants. Un seul mot était dans les bouches : résistance. Emmitouflé dans un somptueux boubou marron (couleur de l’APR), Farba Ngom avait le sourire aux lèvres. Pouvait-il en être autrement au regard des applaudissements, des chants et des coups de sifflets de la foule venue en masse à la permanence de l’APR ? Le numéro 1 des apéristes dans la région de Matam, menacé d’une levée de son immunité parlementaire ne pouvait attendre moins de ses proches. Farba Ngom est, en effet, visé par une procédure déclenchée par le nouveau Pool Judiciaire Financier (PJF). Le procureur de la République financier est fort de l’exploitation d’un rapport de la Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières (CENTIF) relatif, au sujet de Farba Ngom, à des “flux financiers injustifiés” entre “ses comptes personnels et ceux de ses proches, et de ses sociétés partenaires” portant sur un montant de 125 milliards. C’est dans cette foulée que l’Assemblée nationale a déclenché le compte à rebours de la procédure de l’examen de la demande de levée de l’immunité parlementaire du député. Le Garde des Sceaux, saisi par le Parquet financier, a écrit à l’Assemblée nationale pour demander la levée de l’immunité parlementaire de Farba Ngom, dans le cadre d’une vaste enquête sur des activités suspectes de blanchiment de capitaux dont la valeur est estimée provisoirement à plus de 125 milliards de Francs CFA. “On dit que Farba Ngom est griot. J’en suis très fier. Je suis un griot qui a empêché beaucoup de gens de dormir. Je veux rassurer les militants, les camarades de parti, les alliés et amis du député. Ce combat qui va commencer, on le remportera Inch Allah”, a déclaré Farba Ngom, sans doute, pour chauffer la salle. Il s’agissait d’un point de presse aux allures d’un meeting qui a eu le don de ramener sur le terrain plusieurs hauts responsables de l’APR comme Mansour Faye, Pape Malick Ndour, Abdoulaye Saydou Sow, Me Sidiki Kaba, Aissata Tall Sall, Moussa Bocar Thiam, entre autres. “Le Sénégal n’a pas été bâti seulement le 24 mars 2024. Ils ont trouvé dans ce pays, une nation unie et solidaire, du Fouta jusqu’à la Casamance. Ils ont trouvé ici une République debout, un État organisé. Le jour où ils voudront s’attaquer à la nation, à la République, où ils vont défaire l’Etat, ils nous trouveront, ils marcheront sur nos cadavres”, a fait savoir la présidente du groupe parlementaire “Takku Wallu”, Me Aissata Tall Sall. “Pour ce combat-là, ils n’ont qu’à être courageux, on sera encore plus courageux qu’eux. Pour ce combat-là, ils n’ont qu’à être déterminés, on sera plus déterminés qu’eux. Pour ce combat-là, ils n’ont qu’à être intelligents, on sera plus intelligents qu’eux. Tout ce qu’ils feront, ils nous trouveront sur leur chemin. On continuera le combat à l’Assemblée nationale. On le continuera sur le terrain politique. On ne cédera rien. On ne reculera pas. On ne sera pas dans la compromission. On sera pour la vérité contre le mensonge. On sera là pour l’honorable député Farba Ngom”, ajoute Me Tall. D’autres caciques ou alliés de l’APR se sont, ensuite, succédé au parloir. Il en est ainsi de l’ancien Directeur général de la SONACOS, Modou Diagne Fada. “Farba Ngom n’est pas un militant simple de l’APR. Il n’est pas un responsable simple de l’APR. Farba Ngom, c’est un très haut responsable de l’APR. Tous ceux qui se disent alliés ou amis de Macky Sall, doivent le soutenir. Il est un exemple de courage, d’engagement, de conviction. Il est un exemple à soutenir”, a-t-il reconnu. L’ancien ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique, Me Moussa Bocar Thiam qui lisait la résolution de l’APR, a déclaré : “Nous avons décidé d’appeler le pouvoir en place à la retenue et à l’arrêt du harcèlement à l’encontre des opposants politiques. Nous invitons les Sénégalais à combattre l’injustice, le mensonge et la manipulation”. Le dernier Premier ministre de Macky Sall, Me Sidiki Kaba a délivré un message de l’ancien président. Il dira que l’ancien Président lui a demandé d’insister sur “les qualités personnelles et humaines de Farba Ngom pour dire que c’est un homme courageux, un homme fidèle, un homme loyal, engagé, résolu, un homme qui ne trahit jamais”. Dans le tumulte des interventions et le concert des manifestations de soutien et de défiance du pouvoir, des voix manquent à l’appel. Le premier des responsables plongés dans le silence est, sans doute, Moussa Sow, coordonnateur de la Convergence des jeunes républicains (COJER). On se souvient encore de ses déclarations fracassantes au lendemain du report de la Présidentielle par Macky Sall. Face à la presse, Moussa Sow et ses camarades se sont engagés à être “la ceinture de feu et de sécurité autour du Président Macky Sall”. En conférence de presse hier, la Cojer avait réaffirmé son “soutien sans faille au chef de l’Etat pour sa décision salvatrice et très sage pour notre pays”. Moussa Sow, très en verve, avait flagellé “les leaders partisans du report qui n’osent pas assumer leur position à l’instar du Pds et de ses alliés». Estimant que c’est de la «pure lâcheté”. Il avait également accusé une certaine classe politique d’avoir essayé de surfer sur les vagues d’une manipulation éhontée, afin de la mettre en mal avec les concitoyens”. Aujourd’hui, Moussa Sow est resté silencieux face à l’affaire Farba Ngom. Rumine-t-il encore la colère de n’avoir jamais été aux affaires pendant les 12 années de Benno Bokk Yaakar (BBY) et de l’APR au pouvoir ? Certains milieux proches de l’APR répondent par l’affirmative. Un poids lourd comme Abdoulaye Daouda Diallo, ancien président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) n’est plus sur l’espace public. ADD a brillé par son absence à la dernière mobilisation, au siège du parti, jeudi dernier. Il reste aphone, jusque là, face à la levée imminente de l’immunité parlementaire de son camarade de parti, Farba Ngom. Souffre-t-il encore du choix porté sur l’ancien PM Amadou Bâ pour faire face à Bassirou Diomaye Faye à la dernière Présidentielle ? Les interventions, en public, de l’ancien président du CESE sont en tout cas rares, même si on l’a aperçu à la dernière ziarra omarienne de Louga. Madame Thérèse Faye, ancienne ministre devenue député à la faveur de la XVe législature garde le silence. Proche de Macky Sall, Mme Faye s’est illustrée par son absence au siège de l’APR. Elle garde encore le silence face à la levée prochaine de l’immunité parlementaire de son camarade de parti. Des structures comme le Réseau des universitaires républicains (RUR) dirigé par le professeur Moussa Baldé font profil bas. Une aberration pour certains qui pensent qu’à ce stade, l’affaire Farba Ngom aurait dû servir de carburant à une structure portée vers le débat d’idées. La Coordination des cadres républicains (CCR), affaiblie, peut-être par le départ d’Abdoulaye Diouf Sarr, refuse également de briser le silence. Le Mouvement national des femmes républicaines est affecté par le même silence. Madame Ndèye Saly Diop Dieng, sa présidente a dû se contenter du communiqué du Secrétariat exécutif de l’APR. Intrigué, sans doute, par le mutisme de nombre de caciques, l’ancien ministre de l’Habitat, Abdouaye Saydou Sow a mis les pieds dans le plat. “On sort d’élection, mais on se rend compte que les plus en vue dans l’espace public, sont silencieux, les mieux servis par le régime de Macky Sall ont esquivé le débat le débat politique”, s’est-il indigné précisant que la mobilisation du siège a été bénie par le président Sall.