La machine judiciaire qu’on suspectait d’être lente était bien à l’œuvre depuis bien des mois. Hier, face à la presse, trois procureurs ont fait le point du bilan d’étape de la traque aux présumés auteurs de deniers publics. “L’exploitation du rapport de la Cour des comptes a révélé l’implication dans la gestion du fonds Covid de certaines personnes ayant exercé des fonctions ministérielles durant la période de la gestion des fonds Covid-19, et sur lesquelles pèsent de graves présomptions de prévarication de deniers publics. Mais seule une résolution de mise en accusation de l’Assemblée peut autoriser leur comparution devant la commission d’instruction de la Cour d’appel de Dakar.” C’est la révélation faite par M. Mbacké Fall, procureur général de la Cour d’appel. Il faisait face en compagnie du procureur de la République financier, El Hadji Abdoulaye Sylla et du procureur du tribunal de grande instance de Dakar, M. Ibrahima Ndoye. Il a précisé, sans décliner leur identité, qu’il s’agissait de cinq ministres. Face à la presse, hier, pour éclairer la lanterne des Sénégalais sur l’état d’avancement des enquêtes, dans le cadre des Fonds Covid, le procureur de la République, Ibrahima Ndoye, a informé que 27 personnes ont été déférées au parquet de Dakar, dont certaines ont proposé de leur propre gré de consigner. À ce titre, il a indiqué qu’un montant de 258 448 253 F CFA a été recouvré. Il a été indiqué également que la Division des investigations criminelles (DIC), entre hier et aujourd’hui, a conduit 27 personnes devant le parquet de Dakar, sur instruction du procureur de la République. La plupart d’entre elles ont proposé de consigner, et les magistrats instructeurs ont accédé à leur demande. A titre d’illustration, Ousseynou Ngom, ancien DAGE du ministère de la Santé et de l’Action sociale, a recouvré la liberté, après que le doyen des juges d’instruction l’a inculpé pour détournement de deniers publics portant sur 353 700 000 F CFA. Il a contesté les faits qui lui sont reprochés, mais a néanmoins cautionné la totalité du montant réclamé. Il a ainsi consigné 220 millions FCFA et un immeuble bâti (R+2) d’une superficie de 204 m2, sis à la Zone de recasement de Ouakam, expertisé à la somme de 224 909 624 F CFA, à la date du 17 avril 2025 par un expert immobilier. C’est ainsi que le juge a ouvert une information judiciaire, a pris une ordonnance de mise en liberté provisoire sous le régime du contrôle judiciaire Sept mois après sa mise en place, le Pool judiciaire financier (PJF) du Sénégal, quant à lui, affiche un bilan marquant dans la lutte contre la délinquance économique et financière. Devant la presse, le procureur chargé du parquet financier a révélé les premières statistiques d’activité, mettant en lumière l’efficacité croissante de cette nouvelle juridiction spécialisée. Entre septembre 2024 et mars 2025, les activités du PJF ont permis l’ouverture de 284 dossiers en lien avec des affaires économiques. Deux cent soixante-deux personnes ont été interpellées et 142 procédures ont été transmises à des unités d’enquête. À Dakar, 122 dossiers issus d’enquêtes de l’Inspection générale d’État (IGE) ont été enregistrés, en plus de 20 rapports transmis par la Cour des comptes. Le travail d’investigation a conduit à la saisie de 142 véhicules confiés à l’Agence de gestion du patrimoine bâti de l’État (AGPBE), à la saisie de plusieurs biens immobiliers ainsi qu’à la mise sous main de justice de sommes d’argent importantes. En l’espace de quelques mois, les montants saisis et consignés sont passés de 2,5 milliards à 15 milliards F CFA, témoignant de l’intensité des investigations menées. Selon le parquet financier, ce montant pourrait encore augmenter à mesure que les procédures avancent. Par ailleurs, la valeur globale des avoirs saisis dans le cadre de ces enquêtes avoisinerait 135 milliards FCFA, entre biens immobiliers, véhicules et ressources financières. Le procureur a tenu à rappeler que la lutte contre la délinquance financière exige du temps, de la rigueur et des moyens humains et matériels adaptés. Il a salué le travail des différentes institutions nationales et des partenaires techniques internationaux qui ont permis de poser les fondations d’un outil judiciaire moderne et crédible. Le procureur de la République financier a informé que des commissions rogatoires ont été lancées. “La célérité de ces commissions rogatoires échappe à notre autorité”, a précisé El Hadji Abdoulaye Sylla. Le pôle judiciaire financier poursuit activement ses investigations, avec plusieurs enquêtes en cours confiées aux sections de recherche de Dakar, Tivaouane et Saint Louis, dont certaines devraient être bouclées d’ici fin avril 2025. Par ailleurs la Division des investigations criminelles a été saisie hier pour examiner le rapport de la Cour des comptes sur la gestion des finances publiques de 2019 à mars 2024.