Oumar Diagne a-t-il franchi le Rubicon ? Tout porte à croire que le ministre chargé de l’Administration et de l’Équipement à la présidence a posé, cette fois, un acte de trop. L’indignation est générale au point que tous les regards sont, à présent, braqués vers le Palais. “Les tirailleurs sont des traîtres. Ils se sont battus contre leurs frères”. Cette affirmation de Diagne a soulevé un concert de désapprobations. Des propos qui surviennent quasiment, au lendemain de la célébration, par le Chef de l’Etat des tirailleurs sénégalais. L’événement s’est déroulé le 1er décembre 2024 dernier. Ces soldats africains ont été magnifiés pour leur courage. Oumar Diagne lui a pris le contrepied en qualifiant ces héros de “traîtres”. Une appréciation qui a provoqué une vague d’indignation quasi-générale. Dans son propre camp politique, les attaques ne cessent d’enfler. Dans un texte publié sur sa page X, Lansana Gagny Sakho traite Cheikh Oumar Diagne de « vil individu » et dénonce une trahison morale. Il embraie en demandant la préservation de la mémoire de ceux qui ont sacrifié leur vie pour la liberté. “ils ont été recrutés ou enrôlés de force. Ils étaient environ 200 000 lors de la Première Guerre mondiale et 140 000 en 1939-1945 à combattre pour l’humanité. À Paris, un monument aux soldats noirs avait été érigé dans les années 1920 au sein du Jardin tropical du bois de Vincennes pour leur rendre hommage”, rappelle Sakho. Il précise, en plus, que “Le 1er décembre 2024 le président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye a rendu hommage « aux héros africains (…) qui ont contribué à écrire dans le sang et la sueur la glorieuse histoire de la libération » À Dakar un vil individu affirme que nos héros sont des traîtres. Qui trahit, se rend coupable d’une trahison. ? délateur, parjure, renégat”. Se faisant plus dur, Lansana G. Sakho lâche : “Le traître, le lâche, c’est cet individu qui cherche constamment à avoir raison, à dominer ou à se valoriser au détriment des autres, il y a toujours un risque de trahison avec ce genre d’individu et il a encore trahi. il en est malheureusement pas à son premier coup d’essai. Comme un traître il va encore raser les murs pour laisser passer la vague… Qui diantre va arrêter ce traître ?”, s’interroge-t-il. “RESPECT ! Un point c’est tout !”, fait-il savoir en guise de respect aux tirailleurs sénégalais. Le collectif dit “Magui Pastef” n’est pas resté indifférent aux propos de Cheikh Oumar Diagne. “Il doit revoir sa façon de parler en public. Une vérité ne se dit pas n’importe où et n’importe quand”, s’insurge ce doyen ajoutant que Cheikh Omar Diagne sait d’autres vérités qu’il ne dira jamais. “Il doit se garder de gâcher notre travail”, s’emporte-t-il. “Le cas Cheikh Omar Diagne commence à m’inquiéter. Ses fonctions doivent lui interdire de tenir certains propos”, conseille cet autre doyen. “Il est du même acabit que Abdou Karim Xrum Xax”, accuse-t-il. La presse en fait ses choux gras. RFI fait savoir que Diagne, dans un message posté sur Facebook, écrit “qu’il faudra avoir le courage de parler de notre histoire pour nous décomplexer”. « Nous avons tous des parents tirailleurs, nous prions pour eux et les respectons. Mais ils se battaient pour la France ; la France œuvrait pour exploiter les territoires et dominer les peuples. C’est cela la vérité », ajoute-t-il. 4 Une réponse aux nombreuses réactions de colère à ses propos tenus, lors d’une émission samedi 21 décembre. « Le bataillon du tirailleur est un bataillon créé par le colon. Les tirailleurs sont des traîtres qui se sont battus contre leurs frères dans leur pays. Pour moi, ce ne sont pas des héros. Des héros français, mais non, ce ne sont pas nos héros à nous », déclare Cheikh Oumar Diagne. N’empêche, la colère ne faiblit pas comme le souligne France 24. Ce média rapporte que des descendants de tirailleurs de nationalité sénégalaise, mais aussi d’autres pays de la sous-région, ne cachent pas leur colère. A cette colère de Sakho s’ajoute celle d’un collectif de petits-fils de tirailleurs qui brandit la menace d’une plainte. Pape Alé Niang, journaliste et directeur général de la RTS, a réagi à la polémique. Sur le réseau social X, il a partagé le livre de Anthony Guyon nommé “Les tirailleurs sénégalais : de l’indignène au soldat, de 1857 à nos jours”. Le DG de la RTS ajoute, en légende : « Nous ne nous attendons pas à des excuses, mais à des sanctions, parce que c’est quelqu’un qui n’a pas l’habitude de donner des excuses, mais de dire des gros mots. Cheikh Oumar Diagne est dangereux pour le gouvernement du Sénégal, il est dangereux pour l’Afrique », s’insurge Guèye Para, président de la Fédération africaine des descendants de tirailleurs sénégalais. France 24 indique que la colère s’exprime au-delà des frontières sénégalaises. Sékou Kouadé est guinéen, fils de tirailleur et secrétaire général de cette même association implantée dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest. “C’est la déception totale. Surtout quand ça vient d’un frère africain, Sénégalais et membre du gouvernement. C’est choquant, avec toutes les vies que nos parents, nos grands-parents ont rendues. Aujourd’hui, que nos parents soient qualifiés de « traîtres », ça ne fait que nous blesser “, déplore-t-il.Le Monde signale la fureur que cette affaire a installée dans les réseaux sociaux. “Sur Internet et dans les médias, ces propos ont été copieusement critiqués, certains réclamant son départ de la présidence de la République. « Il y a eu des moments où la France leur a fait faire une sale besogne. Mais si on fait une moyenne générale et qu’on décrit la souffrance et l’héroïsme dont ils ont fait montre, ce serait injuste de leur donner ce qualificatif de traîtres. Ce n’est pas servir la bonne cause », a rétorqué l’historien Mamadou Fall, enseignant à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, et membre du comité de célébration du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye. Tous les regards sont, à présent, braqués vers la présidence où les moindres gestes du chef de l’Etat ou de son entourage sont scrutés. Une forte pression s’exerce, à coup sûr, sur le chef de l’Etat Bassirou Diomaye Faye. Des franges de plus en plus importantes exigent le limogeage du ministre-conseiller Cheikh Omar Diagne. Ce dernier n’est pas, en effet, à son premier coup d’essai. Au début du mois de septembre dernier, M. Diagne était la cible de critiques venant des communautés mouride et tidjane, deux puissantes confréries du pays. En cause : ses propos selon lesquels les écrits de grandes figures confrériques comme Cheikh Ibrahima Niass ou El Hadji Malick Sy sont discutables et peuvent être soumis à la critique. Depuis, des membres de ces confréries demandent le limogeage de l’intéressé et menacent d’organiser des manifestations à Dakar. En quelques trois, Cheikh Omar Diagne recrée la polémique mettant, sans doute, en difficulté le camp présidentiel, en premier Bassirou Diomaye Fall, le chef de l’Etat.