Les députés vont concrétiser un projet resté vingt ans dans les tiroirs de la coopération entre le Sénégal et le Maroc : le transfèrement et l’assistance des détenus. Épilogue. On pourrait bien intituler la séance plénière convoquée ce matin à l’Assemblée nationale. Les députés sont, en effet, appelés à statuer sur le projet de loi numéro 03/2025 autorisant le Président de la République à ratifier la Convention entre le gouvernement de la République du Sénégal et le gouvernement du Royaume du Maroc sur l’assistance aux personnes détenues et sur le transfèrement de personnes condamnées. Cette convention remonte comme signalé par le communiqué-convocation du président de l’Assemblée nationale, Malick Ndiaye, au 17 décembre 2004. Il y a plus de 20 ans que le Sénégal et le Maroc entretiennent le projet d’une coopération au sujet du transfèrement ou de l’assistance des détenus de part et d’autre. Ce matin, une étape cruciale sera normalement franchie. “C’est un appel de Horizon sans frontières qui a été entendu”, se félicite Boubacar Sèye, président de l’ONG Horizon sans frontières. “J’en remercie solennellement le président de la République Bassirou Diomaye qui lors du conseil des ministres du 29 janvier a signé le décret autorisant la ratification de cette convention”, précise-t-il. Remontant le temps, Boubacar Sèye confirme le communiqué du président de l’Assemblée nationale. “Cette convention a été signée le 17 décembre 2004 à Rabat. Cela fait donc 20 ans qu’elle est en cours de ratification. Elle s’appelle ‘Convention entre le gouvernement de la République du Sénégal et le gouvernement du Royaume du Maroc sur l’assistance aux personnes détenues et sur le transfèrement de personnes condamnées’. Cette décision vient à son heure si l’on sait que plus de 300 de nos compatriotes sont détenus dans divers établissements pénitentiaires dont plus de 150 dans les trois régions du Sahara marocain qui accueille l’ensemble des migrants qui veulent entrer illégalement en Europe”, explique Boubacar Sèye. Interpellé sur la nécessité d’élargir cette convention à d’autres pays, Boubacar Sèye lâche : “Il faudra élargir cette coopération à d’autres pays, mais il y a un travail à faire au préalable. Le Sénégal n’a pas une politique migratoire avec comme soubassement l’assistance et la protection des Sénégalais de l’extérieur. Plusieurs de nos compatriotes ont eu maille à partir avec la justice. C’est le cas de Mbayang Diop, Cheikh Diaw et bien d’autres. Pour le cas du Maroc, on reproche à la plupart des détenus d’être des passeurs”.
Impliqué dans les questions migratoires depuis plus de 15 ans, le président de Horizon sans frontières appelle à un recensement de ces milliers de Sénégalais qui sont en difficulté avec la loi dans les pays d’accueil. “Il faut les recenser et leur apporter l’aide dont ils ont besoin. Pour cela, il faut que le Sénégal revoie sa politique migratoire. Il faut que le Sénégal revoie la cartographie de sa diplomatie en créant de nouvelles juridictions pour une meilleure assistance des Sénégalais de l’extérieur. Avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, on a vu ce basculement avec la menace d’emprisonnement de nos compatriotes. Des Sénégalais sont aujourd’hui injustement emprisonnés en Mauritanie”, alerte-t-il. Pour Sèye, “Le schéma présenté jusque là en termes de politique migratoire présente des failles d’ordre conjoncturel et structurel. Combien de Sénégalais sont dans le désert du Niger, combien de nos compatriotes sont dans l’aventure du Nicaragua en direction des Usa ? Finalement, c’est qui le Sénégalais de l’extérieur ? Nous sommes, en vérité, dans un contexte de mobilité croissante des populations”. A l’en croire, “Il y a donc lieu de s’adapter aux nouvelles donnes des migrations internationales et même au contexte actuel du Sénégal, pays d’hydrocarbures. Il y a forcément un dumping migratoire”. C’est en quoi il est nécessaire de légiférer pour des questions sécuritaires. “Des études sociographiques ont montré que les ⅔ des conflits à travers le monde sont localisés dans les pays producteurs d’hydrocarbures. Il y a forcément dumping migratoire, car le pétrole et le gaz font l’objet de convoitise”, insiste-t-il. “C’est pourquoi le Sénégal devrait changer de paradigme. C’est en ce sens que nous avons proposé un ministère plein chargé des migrations internationales, à défaut de cela, une agence autonome rattachée à la Présidence chargée des migrations dans toute sa diversité, sa complexité et sa transversalité. Le terme Sénégalais de l’extérieur est caduc”.