Exactement un an après sa première visite en France comme Pm, Amadou Ba reçu en grande
Un accueil qui ressemble fort à un adoubement
Mimi Touré et Cheikh Tidiane Dièye déplorent l’accueil ducandidat de Benno par le gouvernement français
Il y a exactement un an, la France avait décliné une demande du Sénégal portant sur un prêt de 100 milliards FCFA liquide. On prétextait alors vouloir marquer l’équidistance entre les forces politiques en présence. Ce n’est plus, visiblement le cas.
La révélation n’avait pas fait l’objet de démenti. C’est l’hebdomadaire Jeune Afrique qui avait ébruité cette coulisse du séminaire intergouvernemental franco-sénégalais. A en croire le journal, en marge de la cinquième édition tenue les 8 et 9 décembre, exactement un après cette dernière visite du Premier ministre en France, Amadou Bâ avait adressé une « demande une aide immédiate de 100 milliards FCFA liquides à la Première ministre française Elisabeth Borne. Cette demande est consécutive à la conjoncture économique difficile, accrue par les conséquences du Covid-19 et la guerre en Ukraine. « Le budget de l’État est, en outre, fragilisé par les subventions que la hausse du prix des matières premières et des biens de première nécessité a rendues impératives », explique Jeune Afrique. Une demande à laquelle Paris aurait hésité à accéder. « Certains craignent que l’octroi de cette aide ne soit interprété comme un soutien inconditionnel à Macky Sall au moment où les Sénégalais se demandent si leur président va briguer un troisième mandat qui pourrait être contesté. D’autres font au contraire valoir qu’il convient d’aider le Sénégal, qui risque de traverser une période de turbulences alors qu’il est l’un des rares pays stables, avec la Côte d’Ivoire », écrit l’hebdo.
Au total, dix ministres français, dont Bruno Le Maire (Economie), Catherine Colonna (Affaires étrangères), Pap Ndiaye (Education) et Marc Fesneau (Agriculture), et dix ministres sénégalais comme Antoine Félix Diome (Intérieur), Aïssata Tall Sall (Affaires étrangères) se sont retrouvés au Château de Champs-sur-Marne, à une vingtaine de km à l’est de Paris.
La position de neutralité et de prudence de la France entre la mouvance présidentielle et l’opposition notamment Ousmane Sonko était sans conteste. D’ailleurs, en avril dernier, Nadège Chouat, une émissaire du président français Emmanuel Macron avait rencontré le chef de l’opposition sénégalais Sonko, se sont rencontrés le 23 mars dernier. Le numéro deux de la cellule Afrique de l’Elysée avait profité d’une mission à Dakar, pour discuter avec M. Sonko, candidat à la présidentielle de 2024 pendant deux tours d’horloge. Jusque-là, rien n’a filtré de cette rencontre. Malmenée par le sentiment anti-français au Burkina Faso, au Niger et au Mali, le gouvernement de Macron a semblé marcher sur des œufs au Sénégal. Là, la France est consciente du discours souverainiste d’une partie de l’opposition notamment l’activiste Guy Marius Sagna et l’ex-Pastef d’Ousmane Sonko. Ce dernier a toujours martelé remettre les compteurs de la coopération avec la France au niveau « gagnant-gagnant ».
Mais, dans un entretien accordé à L’Observateur, Robert Bourgi, ancien avocat et conseiller politique, est revenu sur cet acte posé par le président Emmanuel Macron qu’il considère comme une immixtion « dans les affaires d’un état souverain ». Bourgi regrette « qu’au milieu des graves crises sociales qui secouent la France, il décide de s’immiscer dans les affaires intérieures d’un État souverain et indépendant ». Robert Bourgi se pose la question de savoir : « Au nom de quoi le Président Macron le fait-il ? En vertu de quelle règle ? ». Dans la foulée de son indignation, Bourgi confie : « Au début de l’année 2022, le Président Macky Sall a été saisi d’une demande de Valérie Pecresse, candidate des Républicains, à venir au Sénégal, à le rencontrer et à rencontrer la population française. Le Président Macky Sall a rejeté cette demande, car m’a-t-il dit, je n’ai pas à m’immiscer dans les affaires de la France surtout en période électorale et de plus, ce serait inamical vis-à-vis d’Emmanuel Macron que j’apprécie beaucoup et que j’affectionne ».
Aujourd’hui, l’équidistance de la France dans les affaires intérieures du Sénégal semble rompue. L’Hexagone, visiblement, très prudente il y a quelques mois a résolument pris son courage à deux mains pour avancer dans la lumière crue. Le gouvernement Macron a laissé tomber les masques. Plus de masque pour les officiels français. En témoigne cette visite du chef du gouvernement Amadou Bâ en France à deux mois et demi de la présidentielle. Conscient de l’évidente inélégance des partenaires français, Amadou Bâ anticipe les critiques de l’opposition. « Le contexte électoral ne doit pas être un obstacle à la continuité de l’État s’est-il justifié dans une interview à la télévision publique, la RTS. Il est vital et impératif que le gouvernement puisse assurer la continuité de l’État. »
Il n’empêche, l’opposition, en premier Mimi Touré, est montée au créneau pour s’en prendre à cette hospitalité si suspecte. « Je déplore cette confusion de genre diplomatiquement inopportune. Nos partenaires […] se doivent de pratiquer une totale équidistance entre tous les candidats » à la prochaine élection présidentielle, a déclaré Aminata Touré, ancienne Première ministre désormais dans les rangs de l’opposition et elle-même dans la course à la magistrature suprême. Un autre candidat de l’opposition, Cheikh Tidiane Dièye, proche de Pastef et candidat à la présidentielle a annoncé sur sa page Facebook que « chacun de actes [d’Amadou Ba] est purement politique » alors que le Premier ministre vient de terminer une tournée économique aux allures de précampagne à travers le territoire sénégalais.
Au cours de sa visite en France, Amadou Bâ à qui on a déroulé le tapis rouge a eu une séance de travail de grande envergure. Le PM sénégalais s’est entretenu avec Bruno Le Maire, ministre français de l’Économie des Finances et de la Souveraineté Industrielle et Numérique. Une réunion à laquelle ont pris part le ministre des Finances et du Budget, Mamadou Moustapha Bâ, celui des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, Mansour Faye, ainsi que chef du département de l’Économie, du Plan et de la Coopération, Doudou Kâ.