C’est déjà le branle-bas à moins de deux mois de la présidentielle. L’opposition charge le Conseil constitutionnel, là où la société civile invite l’administration à jouer un rôle qui fasse confiance aux acteurs. Dans cette sorte de confusion, tous semblent rejeter l’idée d’un report du scrutin.
Le tollé né de l’élimination massive ou de renvoi à un second tour de candidats à la présidentielle prend une nouvelle tournure. Au total, 28 candidats se sont constitués en collectif dit « Collectif des candidats spoliés ». Le secrétaire général du GRADEC, Babacar Fall, expert électoral considère qu’« avec cette levée de boucliers, les germes d’un contentieux électoral sont en train de se mettre en place, déjà que les candidats éliminés sont en train de se constituer en bloc ». Au sujet des tensions en cours, Moundiaye Cissé trouve que « les élections ont toujours été précédées de tensions, c’est normal, mais in fine on se retrouve avec des élections où le vaincu félicite le vainqueur ».
Moundiaye Cissé tempère et dit « souhaiter que toutes les contestations préélectorales n’aboutissent pas à des violences. « Et pour cela les services centraux de l’état (DGE et DAF) doivent jouer leur partition de façon équidistante et impartiale afin qu’il n’y ait pas des contestations qui mènent vers la violence. Les services administratifs doivent tout faire pour restaurer la confiance », plaide Moundiaye Cissé. Babacar Fall est clair : « concernant les récriminations sur le fichier, on ne peut pas les ignorer au vu du nombre de rejets pour cause de non présence sur le fichier », explique-t-il ajoutant qu’il est difficile de « comprendre qu’un citoyen disposant de sa carte d’électeur et ayant parrainé un candidat ne puisse être retrouvé ». Il indique que le trop grand nombre de concernés, « des dizaines de milliers » amène à « se poser légitimement des questions ». Le directeur exécutif de l’Ong 3D, Moundiaye Cissé abonde dans le même sens lui qui trouve en tout cas fondées les récriminations de l’oppositions. « Non pas que le fichier ne soit pas fiable, mais parce que l’opposition d’avoir un droit de regard au fichier », déplore-t-il. « Et pour cela, la CENA doit jouer son rôle. Elle a tort et n’a pas d’excuse quand elle dit ne pas avoir le fichier actualisé », martèle le patron de l’Ong 3D. Puis d’ajouter : « La CENA doit superviser toutes les opérations d’établissement du fichier, en vertu de l’article 11 du code électoral. Elle est au début et à la fin de tout », précise Moundiaye Cissé. Il répond, ici, au communiqué de la CENA faisant savoir n’avoir pas une bonne version du fichier électoral. « Cet article dit que la CENA a un droit d’accès à la documentation, aux équipements informatiques, à la programmation et configuration du fichier électoral », éclaire Cissé. Il n’y a pas de doute, « Les préoccupations de l’opposition sur le fichier sont légitimes, parce qu’il n’y a pas de visibilité de l’opposition sur le fichier contrairement aux dispositions L. 48 », fait-il savoir.
Et Un premier incident a failli se produire lorsque, hier, la présidente du Collectif, Mme Aminata Touré, porteuse du recours des « spoliés » s’est vu bloquer par des gendarmes l’entrée du Conseil constitutionnel. Finalement, après quelques conciliabules, la gendarmerie lui a permis, en compagnie de Cheikh Abdou Mbacké Bara Dolly et des ex-ministre Aly Ngouille Ndiaye et Aminata Assome Diatta de déposer leur requête. Interpellée par la presse, Mimi Touré a fait savoir qu’elle venait de sacrifier à une première étape « d’un plan d’action à la hauteur de la forfaiture » à diffuser les prochains jours, selon Mimi Touré.
Quoi qu’il arrive, Mimi Touré demande déjà l’arrêt du processus en cours, signe « d’une tentative de saboter l’élection présidentielle ».
De quoi faire à Babacar Fall, patron de GRADEC que « le dialogue globalement n’a pas réglé tous les problèmes du moins en ce qui concerne le parrainage dont les modalités posaient beaucoup de difficultés. Malgré l’introduction du parrainage optionnel et la baisse en valeur relative des maxima et des minima, les problèmes ont été amplifiés ».
Faut-il alors convoquer un second dialogue politique avant la présidentielle ? C’est une nécessité, estime Babacar Fall avant de préciser qu’un dialogue franc et inclusif fait avancer le processus démocratique de façon générale. « Il faut de la sincérité de part et d’autre », prévient l’expert électoral. En tout cas, pour Moundiaye Cissé, « un dialogue n’est jamais un échec », lui qui semble répondre à ceux estiment que le dialogue convoqué par Macky Sall a abouti à un flop.
Revenant sur le fichier électoral, principale pomme de discorde des acteurs de la classe politique, Babacar Fall renseigne qu’il « peut être bon à un instant T et être parasité à un instant T1 ». C’est pourquoi il suggère de « confier la gestion du fichier électoral à une structure indépendante ou organiser son contrôle par les acteurs du processus ».
A la question de savoir s’il faut reporter l’élection présidentielle, Babacar Fall exclut cette hypothèse : « il n’est pas question, ce n’est pas envisageable. Il faut tenir l’élection à date échue. On est dans une nouvelle trajectoire où le Sénégal a besoin de renouveler son personnel politique et il s’y ajoute que les défis sont énormes ». Pour Moundiaye Cissé, « Le report conduirait à proroger le mandat du chef de l’Etat, et c’est une brèche pour tout autre président de proroger son mandat. C’est un antécédent dangereux. Donc non à un report de la présidentielle. On n’a jamais reporté des élections présidentielles au Sénégal, ce n’est pas aujourd’hui qu’on doit le faire. Et je vois mal le Conseil constitutionnel accepter de proroger le mandat pour l’avoir refusé quand le président avait voulu le réduire son mandat de 7 à 5 ans. Ce serait inconséquent pour le Conseil constitutionnel », argumente Moundiaye Cissé.